AIT MENGUELLET
homme tranquille de la chanson berbère.
Lounis AIT MENGUELLET est né le 17 janvier 1950, à IGHIL BWAMMAS, en Grande Kabylie (Algérie).
La guerre commence donc alors qu’il a quatre ans. Il en aura à peine plus de douze à la fin de ce cessez-le-feu (décrété le 18.03.62 pour le lendemain midi) qui, nous devions l’apprendre, ne marquait pas le retour de la paix.
Lounis AIT MENGUELLET a, pour l’essentiel à Alger, suivi la formation scolaire suivante: Études primaires, puis secondaires. Ces dernières orientées plutôt vers le “technique”: au collège Ernest RENAN d’abord puis, jusqu’en classe de seconde, au Lycée Technique du Ruisseau -quartier populaire du Grand Alger.
Il vient à la chanson à l’âge de 17 ans par l’intermédiaire d’une remarquable émission créée et longtemps animée par Chérif KHEDDAM. Il importe de signaler que ce dernier a, à proprement parler, imposé par son exemple le souci de la composition musicale et de la qualité littéraire dans le domaine de la chanson dite “de variétés”, plus prosaïquement et pour l’essentiel, “d’amour” en fait. Son travail, son inspiration et ses initiatives professionnelles ont grandement facilité la venue et le succès rencontré par la génération qui allait suivre la sienne.
C’est à cette heureuse génération des années ’70 qu’ appartient Lounis, pour en avoir été l’initiateur et, depuis, l’un des éléments les plus marquants.
C’est avec une belle chanson: “Gget ixef-iw a d yessefru” (Laissez mon âme versifier) que Lounis émerge à la conscience du public, essentiellement kabyle d’abord, d’Algérie: le ton, les sonorités musicales, la voix et l’inspiration sont heureuses et attachantes:
...Af temzi-w lweqt ifat: Ma jeunesse vient sur le tard,
Nnulfan d laayub wer nuklal.. chargée de tares imméritées…
Relativement tôt, donc, Lounis comprend le poids social et culturel de la chanson pour un peuple dont la culture et l’expression recommencent à peine, après quelques millénaires, à s’initier aux apports -mais aussi aux exigences et aux contraintes d’une écriture pour une fois désaliénée de toute exclusive administrative et coercitive, de toute sanctification mystique ou autre. Aussi se dégage-t-il assez vite de la première étape -“épreuve” pratiquement obligatoire-à travers laquelle le contexte économique et professionnel “accueille” tout nouveau venu à la chanson -les femmes surtout, d’ailleurs: la sempiternelle “chanson d’amour”, bien évidemment…
Pour être tout-à-fait clair, il faut dire que Lounis n’a jamais explicitement rejeté le genre. Il s’est simplement refusé à en rester l’interprète exclusif, tout en lui donnant à l’occasion un éclat et un style neufs. Juste et fins, comme dans “A zin arqaq” (Beauté fine):
A zzin arqaq! Fine beauté,
Udmim irreq d asafu. .. Ton visage irradie, tel un tison…
Ceci dès ses tous premiers débuts mais, surtout, comme dans “Lwiza”, venue quelques années plus tard:
Muqleɣ si ttaq: Par la fenêtre j’entrevoyais
Mazal tlam d g-ggenni… les ténèbres encore dans le ciel…
Ul iw ixaq: Mon coeur étouffait:
Amek tura ‘a yethenni? Pouvait-il trouver la paix?
Avec cette chanson, Lounis avait innové d’ailleurs à plus d’un titre. Tout particulièrement en ceci: L’amour entre un garçon et une fille, un homme et une femme, n’allait plus être chanté comme quelque rêve, expérience ou sentiment ésotérique, suspendu entre terre et cieux, mais situé dans son véritable jeu de contraintes sociales, politiques, historiques:
Ainsi, » Lwiza” ci-dessus analysait, disséquait, ce terrible instant qu’est la déchirure d’un couple dont l’homme doit, presque en secret, prendre les chemins de l’exil au tout premier matin alors que la femme, elle, se retrouve à l’extrême limite de sa solitude et de son silence. La fenêtre entrouverte est le seul fil d’Ariane à travers lequel l’esprit sensible et observateur peut saisir son souffle et sa silhouette.
Ici donc, l’amour par rapport à l’émigration.
Plus loin, le ton et l’intention sont sensiblement différents: Il est en effet difficile de ne pas voir -implicites, certes- les échos de cette dialectique absolutiste et totalitaire qui unit (sic!) l’oppresseur et l’opprimé lors d’une écoute attentive d’une chanson comme “Igenn-im” (donnée plus loin sous le titre “Les érosions humaines”.
De façon sensiblement différente, le même effet est donné à entendre dans une chanson venue juste avant celle-ci, “Bghigh ad inigh” (Je voudrais dire):
Ayen akw i d nniɣ En tout ce que je chante,
fhemt a medden: faites l’effort de me comprendre:
Macci ɣef tin bɣiɣ Ce n’est pas pour une telle, désirée
i kfan i ffaden! qu’en vain je me consume!
Xas la d ttmesliɣ Mon propos qui me tourmente, sachez-le bien,
dayen akw nniden … est tout autre…
C’était là le dernier couplet donné en conclusion d’une chanson qui, par ailleurs, aurait pu être considérée comme une honnête et classique chanson d’amour, n’était son refrain qui venait rappeler:
Bɣiɣ ad inniɣ: Je voudrais dire …
ad-d yifsus wul iw! … Que mon cœur soit soulagé!
Ur tsaâq wi’y nɣiɣ: Sans avoir tué personne
Uggadeɣ tili-w… j’en suis à craindre même mon ombre…
Il est difficile de dire que, inversement, toute trace d’amour est absente dans une chanson comme “Amjahed” . Au contraire, là, l’amour est de plus approché sous des aspects plus “licites” (pour notre société) et, paradoxalement (?), plus rares dans la chanson commercialisée: ses dimensions filiale, maternelle et, implicitement, paternelle y sont évoquées.
Dans son enregistrement suivant , Lounis traite encore de l’amour, considéré et surtout confronté à une tension bi-polaire: D’un côté les habitudes et, disons les mots, les contraintes et les aliénations d’une société dont l’évolution ne s’est pas précisément faite au diapason des grands événements et découvertes qui ont bouleversé le monde, l’exigence de liberté spécifiquement féminine d’un autre que, quoi qu’il fasse, l’Algérien, précisément parce qu’il a été cet Algérien qui enfin réintègre l’Histoire, ne peut pas ne pas “comprendre” -sérieusement considérer, sinon aveuglement acclamer:
fehmeɣ tbedled laqel Je comprends que des voies nouvelles t’appellent
d abrid ajdid i kem ibbwin… et que change ta mentalité…
Wissen ma d zyada neɣ qqel? Serai-ce en mieux ou en pire?
D lweqt ara’m tidyinin… Ton avenir te le dira …
Enfin, dans son dernier programme, c’est l’amour conjugal brutalement “dévitalisé” par une guerre aussi inattendue qu’incomprise qui est chanté:
Laâca wis’ d acu yedran, L’autre nuit que s’était-il donc passé
s wnmegged taddart texla••• pour que le village, en lamentations, se vide?
(… ) (… )
Argu yi, argu yi!.. Attends-moi!.. attends-moi…
Widak ig tdebbiren Ceux-là qui peuvent décider
snulfan iyi d iadawen… m’ont inventé des ennemis…
(… ) (… )
Arguyi, argu yi!.. Attends-moi!.. attends-moi…
Nnan wid id yessawlen Ceux-là qui nous appellent nous disent
“D lgirra igezwaren… “La priorité est à la guerre! . .”
Le mérite d’AIT MENGUELLET est grand d’avoir, par ce biais, aidé à la convivialité consciente et sans gênes de ses compatriotes, par delà sexes, générations et autres clivages.
Parallèlement à cet aspect important et caractéristique de son répertoire, AIT MENGUELLET chante aussi les grands débats -ouverts ou secrets-qui travaillent les consciences collectives de son pays et de son temps:
“Si lxedam luzin s axxam” traite en quelques vingt minutes de l’émigration et de l’un de ses fréquents corollaires: la mort en terre étrangère, le tout justement situé dans la double sociologie qui est celle de l’émigré.
“Amjahed” est, à ce jour, le seul texte chanté qui traite de façon originale et non conventionnelle du sens et de quelques conséquences de la mort de ceux d’entre nous qui ont préféré mourir debout (plutôt) que vivre à genoux”.
“Targit (Aattar) “Le colporteur (un colonialisme peut en cacher un autre)” traite de l’aliénation religieuse et de ses classiques compromissions avec les sabres en tous genres.
“AY AGGU” est aussi une implacable et profonde introspection orientée vers la fonction et le rôle de l’artiste populaire, tel qu”’on” voudrait qu’il soit,d’une part, vers la dimension naturelle et attendue de cet artiste dans son rôle de témoin lucide et fraternel d’autre part.
Ce sont là, avec “Ay abrid ttun medden”, les textes majeurs donnés par AIT MENGUELLET ces quatre dernières années et leur écoute justifierait si besoin était la dimension atteinte aujourd’hui à l’échelle de toute l’Afrique du Nord par cet “homme tranquille” de la chanson berbère d’Algérie. Ils expliqueraient aussi et surtout la complicité et l’entente “palpable” qui s’instaurent dans les salles -ou sur les stades-entre AIT MENGUELLET et son public chaque fois qu’ils se retrouvent, chaque fois plus grands l’un et l’autre.
Pour clore ce tour d’horizon sur le répertoire et le style d’AIT MENGUELLET, il faudrait citer quelques titres que je soupçonne de refléter plus fidèlement que d’autres sa personnalité profonde et secrète. Ce sont justement -et qui connait AIT MENGUELLET ne s’en étonnera pas-des “textes-voiles”. Des compositions méditatives et plutôt abstraites, apparemment gratuites -sans thème explicite-et qui, de façon première et immédiate, émeuvent davantage par leur puissance poétique qui explose ça et là et par ceci qu’elles inquiètent surtout justement par ce qu’elles sont d’un artiste réputé aussi pour la limpidité de son style, la beauté de sa langue et la clarté de sa diction, parfaite dans sa prononciation comme dans son débit. Parmi ces textes “libres” de toute intention et de toute dialectique immédiatement perceptibles, on peut citer “Anef iyi kan”, “Itij”, Samehtas… “et “Amcum” : un dans chacun de ses quatre derniers enregistrements! …
Enfin, à AIT MENGUELLET, on doit une de ces chansons qui, à mon sens, justifient une carrière à elles seules: “Idul sanga an ruh ” c’est, en quatre minutes, la plus belle et la plus claire leçon d’histoire d’Afrique du Nord que j’aie jamais prise. Cette chanson est, à tous points de vue, un chef-d’œuvre qui d’une certaine façon, me rappelle “Le déjeuner sur l’herbe” de Renoir. Elle est traduite en annexe sous le titre “Itinéraire d’un peuple… “
Ramdan Saadi
« Ce texte est le développement d’une biographie sommaire d’AIT MENGUELLET, réalisée en 1978 à l’occasion de son passage à l’OLYMPIA et publiée en particulier dans le numéro 74 de FRANCE-PAYS ARABES.
La vie du poète
en quelques lignes
Naissance et enfance:
Abdenbi Aït Menguellet est né au cœur du Djurdjura le 17 janvier 1950 à Ighil Bwammas. Il fut prénommé Lounis par sa grand-mère après qu’il lui soit apparu en rêve. Le prénom officiel de «Abdenbi » (Ce nom lui a été donné par son oncle qui travaillait à Oran. C’est l’un de ses amis proches qui portait ce nom.) était ignoré par tous, même par les membres les plus proches de la famille et ne sera connu qu’à la constitution du dossier scolaire.
Lounis fut élevé au sein d’une famille modeste, et qui, à l’instar de toutes les familles algériennes, avait subi les affres du colonialisme. Les retombées de l’occupation française se sont cruellement faites sentir et ce à différents niveaux et plus particulièrement sur les plans psychologique et matériel.
Au déclenchement de la guerre de libération nationale, Lounis n’avait que 4 ans. Il en aura 12 quand le pays recouvrera sa liberté en 1962. N’ayant pu participer à cette guerre comme ce fut le cas des combattants de la région, Lounis avait vécu cette période en nourrissant mépris et haine vis à vis de l’occupant français alors qu’il n’était que tendresse pour les siens. L’atmosphère chargée de malheur et de tristesse dans laquelle il a vécu a joué un rôle précurseur dans l’éveil du génie poétique dans l’âme encore frêle de cet enfant. À son mûrissement, son génie a donné naissance à de magnifiques et merveilleux poèmes qui se sont illustrés par beaucoup de grâce qui n’avait d’égal que la majesté des événements et la profondeur de leurs blessures.
Études et formation:
La possibilité et les moyens de recevoir un enseignement n’était pas chose aisée en période de guerre et juste après l’indépendance, surtout dans les lointaines régions montagneuses du pays. Cette situation avait, d’ailleurs, beaucoup influé sur les niveaux intellectuel et culturel de cette génération. En effet, beaucoup d’enfants et de jeunes n’ont jamais accédé aux bancs des écoles, et d’autres n’ont eu ce privilège qu’à un âge avancé. Lounis fut l’un d’entre eux car il n’avait pu entrer à l’école qu’à l’age de 11 ans à Alger, après qu’il eut quitté son village en 1962 avec ses frères, pour être admis au cycle primaire. Une fois ce cycle achevé, Lounis s’est dirigé vers le collège technologique de «Champ de Manœuvres» où il a suivi une formation d’ébéniste. Un métier où il excelle, et qui constituera, durant longtemps, un de ses loisirs favoris.
À la fin de cette période, Lounis arrêtera définitivement les études académiques pour lesquelles il n’avait jamais manifesté de l’enthousiasme car, convaincu qu’il pouvait accéder au savoir, à la science et à la culture à travers les livres. Lounis tient, en effet, une attitude réservée quant aux diplômes considérés par les institutions académiques officielles comme le seul critère de jugement des niveaux intellectuel et culturel des personnes. Il dira a ce propos et non sans ironie: « Je n’ai pas été assez intelligent pour faire de la pêche aux diplômes un métier ».
Terreau culturel:
En dépit d’un parcours scolaire très court, Lounis a réussi à accéder par la grande porte grâce à ses nombreuses lectures, au monde de la culture et du savoir: une passion qui occupe, d’ailleurs, une grande partie de son temps. Par ailleurs, Lounis ne pouvait, comme il l’a souligné, passer une seule nuit sans achever la lecture d’un livre ou d’en entamer un autre.
Parlant de sa manière de lire, Lounis dira: « Quand je découvre la valeur artistique d’un écrivain ou d’un auteur, j’essaye de me procurer l’ensemble de son œuvre afin de pouvoir définir, à .la fin de ma lecture, son orientation intellectuelle et idéologique qui le distingue des autres auteurs … , je lis ces derniers temps, à titre d’exemple, les écrits de Amin Maâlouf et j’en déduis que c’est un écrivain qui mérite beaucoup de respect et d’attention ».
À côté de ses lectures, Lounis s’abreuve à d’autres sources de culture qui ont plus ou moins marqué sa vision des choses, son comportement et son jugement. Ce poète porte en lui une double identité ; l’une traditionnelle imprégnée par les valeurs ancestrales qui se résument dans «Taqbaylit », l’autre, actuelle nourrie par la société moderne.. Il est également témoin de deux générations bien distinctes: l’une ancienne, celle des pères, gardiens du temple sacré des valeurs héritées porteuses de l’authenticité des aïeux, l’autre génération est celle des jeunes de l’indépendance, rêveuse de lendemains meilleurs et d’un futur prometteur.
Lounis nous apprendra, d’autre part que l’environnement de son enfance a joué un rôle aussi important que particulier dans sa composante culturelle. II a reçu dans son village d’Ighil Bwammas, une éducation rustique basée sur des traditions ancestrales, le respect mutuel, les valeurs de la noblesse, du courage, de l’entraide et d’autres principes organisationnels qui gèrent cette société traditionnelle. L’environnement social du poète possède également plusieurs modes d’expression culturelle tels que les proverbes, les dictons, les légendes, les mythes, les contes et les fables. Ce foisonnant terroir culturel reste une source intarissable pour le génie imaginatif et figuratif de Lounis et constitue la toile de fond poétique de ses poèmes. On retrouve cet environnement traditionnel à travers le mode de vie actuel de ce poète-chanteur.
Domaines de travail et fonctions:
Lounis n’a jamais occupé un poste d’emploi stable ou une fonction permanente. A l’indépendance, il a travaillé à quelques postes dans le secteur public, notamment lorsqu’il résidait avec sa famille à Alger. Il a travaillé au ministère des travaux publics, puis dans une entreprise financière française (C.F.D.B); la dernière des banques françaises en Algérie, nous indique Lounis.
De retour à son village natal, Lounis a travaillé dans les services de la commune, pas pour longtemps, car il fut appelé sous les drapeaux pour accomplir son service militaire durant lequel il passera 6 mois à l’école militaire de Blida et 18 autres dans la ville de Constantine. Une fois son service militaire achevé, Lounis est retourné à Ighil Bwammas pour qu’une nouvelle étape, décisive, se définisse dans sa vie.
Il dira à ce propos: «Après mon retour du service militaire, je me suis retrouvé confronté à deux alternatives qui définiraient ma vie et mon mode de vie futurs. Il fallait faire un choix entre un poste de travail permanent, pour lequel je serai entièrement dévoué ou continuer mon parcours artistique, déjà entamé, et lui consacrer tout mon temps pour le perfectionner. Après mûre réflexion, j’ai choisi de me consacrer à mon art (poésie, musique et chant) ; depuis et jusqu’à ce jour, je n’ai occupé aucun poste d’emploi, consacrant ainsi, tout mon temps et mon énergie à ma vie artistique ».
Le mariage:
Nous avons voulu entamer ce sujet en raison de tout ce qu’il a suscité comme questions et interrogations, et qui a été à la source de plusieurs rumeurs qui trouvent leur origine dans la mauvaise interprétation des poèmes de Lounis d’une part, et à la recherche à travers l’artiste d’un mariage idéal d’une autre part. Questionné à ce sujet, Lounis dira en toute simplicité: «Ce ne sont là que des rumeurs découlant de l’imaginaire de mes auditeurs et d’une interprétation fausse de mes diverses créations. Car bien souvent, on projette le contenu de ma poésie sur ma vie réelle et personnelle. La vérité est que tout ce que j’aborde dans ma poésie ne découle pas forcément de ma propre expérience. Si tel était le cas, je serais une personne extraordinaire, dont l’existence s’étendrait sur plusieurs siècles et générations, j’aurai ainsi vécu près de mille ans de joies et de peines. Ceci est plus que je ne pourrais supporter. Je vous répondrai en toute simplicité que je ne suis qu’un poète qui rapporte la souffrance des autres, je lève le voile sur leurs soucis et leurs préoccupations. Je fais ressortir à travers mes écritures les défauts des gens usant de la critique et de l’analyse. cependant, je ne nierai pas qu’il existe une part de ma propre souffrance dans mes écrits … concernant mon mariage, je dirais que je vis une vie normale et heureuse. J’ai épousé une jeune fille que j’ai moi-même choisie. Et j’ai été bien chanceux car notre vie conjugale est une réussite : nous abordons la vie à deux dans l’harmonie la plus totale et ce dès le début de notre mariage ».
Parcours poético-artistique:
C’est vers la fin de l’année 1966 et le début de 1967 que le parcours artistique de Lounis a commencé, dans l’émission «les chanteurs de demain, iɣennayen uzekka » animée par Cherif Kheddam où il avait participé avec sa première chanson intitulée « Si tu pleures – Ma truḍ », ce titre avait eu beaucoup de succès. Intrigué par la question de l’animateur de l’émission qui se demandait qui était l’auteur du poème de la chanson, Lounis répondra qu’il en était l’auteur. Cherif Kheddam parut très admiratif devant autant de talent, et prédit au jeune artiste un avenir plein de promesses dans la création poétique.
Au début de sa carrière artistique, Lounis avait créé en compagnie d’autres jeunes, produits par l’émission “Chanteurs de demain”, un groupe qui portait le nom d’ “lmaziɣen “. Le but du groupe était à la fois artistique, politique et idéologique. Mais cette formation n’avait pas duré longtemps et ses membres se sont séparés. Suite à cela, Lounis a quitté Alger et, est reparti à son village où il fut appelé pour une durée de deux ans pour le service militaire. A la fin de son service, la poésie et le chant de Lounis prirent le chemin de la maturité et de la perfection après qu’il eut consacré tout son temps à la création poético-artistique.
Comme ce fut le cas d’autres artistes, le parcours de Lounis est d’abord parti sur un élan de romantisme avec une création foisonnante de poèmes d’amour et de passion avec tout leurs lots de souffrances provoquées par l’abandon et la séparation.
L’expérience poétique de Lounis s’enrichit au fil du temps et des années, pour atteindre son apogée au terme de la première étape romantique de son parcours. Le poète est entré, par la suite, de plain pied dans la seconde phase, au cours de laquelle il a su déceler, avec perspicacité, les changements introduits par la modernité dans son environnement traditionnel, dans toutes ses dimensions des plus pathétiques à celles plus profondes: politiques et sociales, s’entend. Lounis s’étalera sur les souffrances de l’identité kabyle et de manière très globale celles de l’identité amazighe délestée de ses droits et soumise à un monde civilisationnel loin d’être le sien.Lorsqu’on demande à Lounis son avis, quant à ce découpage, il nous répondra par l’affirmatif: «Ceci est probablement vrai, quand je revois mon parcours poétique, j’y distingue les mêmes phases. Mais je voudrai ajouter que ceci s’est fait de manière involontaire: c’est le fruit du hasard et de l’évolution naturelle de mon expérience dans le monde de la poésie ».
En tous cas, ce poète-chanteur a réussi à produire, tout au long d’un parcours de plus de 30 années, une œuvre très féconde. Depuis le départ, l’ensemble de sa création, est empreint d’une beauté particulière qui n’a pas fini de se développer jusqu’à atteindre l’excellence dans certains poèmes uniques, dans leur genre, et qui sont les témoins de l’authenticité du don poétique de Lounis, et de la véracité de son expérience.
En tout cas, ce poète-chanteur a réussi à produire, tout au long d’un parcours de plus de 40 années, une oeuvre très féconde. Depuis le départ, l’ensemble de sa création, est empreint d’une beauté particulière qui n’a pas fini de se développer jusqu’à atteindre l’excellence dans certains poèmes uniques, dans leur genre, et qui sont les témoins de l’authenticité du don poétique de Lounis, et de la véracité de son expérience.
M’hammed Djellaoui
Biographie tiré du livre : L’image poétique dans l’oeuvre de Lounis Aït Menguellet. Du patrimoine à l’innovation.